Faits et chiffres : Les femmes, la paix et la sécurité
Vingt-cinq ans se sont écoulés depuis l’adoption à l’unanimité par le Conseil de sécurité des Nations Unies de la résolution 1325, plus connue sous le nom de « programme pour les femmes, la paix et la sécurité », et tout au long de cette période, les preuves du rôle essentiel joué par les femmes dans l’instauration et le maintien de la paix à travers le monde n’ont cessé de s’accumuler.
Pourtant, le soutien structurel et financier destiné aux femmes artisanes de la paix – et l’aide vitale apportée aux femmes et aux filles prises au piège dans des conflits – restent terriblement insuffisants. À l’inverse, les conflits et les dépenses militaires sont en augmentation, tout comme le nombre de femmes tuées, violées et déplacées par les guerres.
Les faits et chiffres sont alarmants et constituent un appel à l’action. Étudions les données ci-dessous.
L’impact des conflits et des crises sur les femmes et les filles
Les conflits, l’instabilité et la violence sont en hausse et leurs conséquences sont dévastatrices pour les femmes et les filles.
- Multiplication des conflits : en 2024, plus de 185 conflits armés ont été enregistrés, dont 61 conflits actifs qui impliquent au moins un État, le chiffre le plus élevé depuis le début des statistiques en 1946. Environ 676 millions de femmes et de filles vivaient à moins de 50 kilomètres de ces conflits, soit le nombre et la proportion (17 %) les plus élevés enregistrés depuis les années 1990 [1].
- Montée de la violence : en 2024, les Nations Unies ont recensé plus de 4 600 cas de violences sexuelles liées aux conflits, notamment utilisées comme tactique de guerre, moyen de torture ou à des fins de terrorisme et de répression politique, soit une augmentation de 87 % entre 2022 et 2024. De plus, le niveau de violence basée sur le genre a été jugé comme grave ou extrême dans 22 des 25 pays ayant connu une situation de crise humanitaire [2].
- Déplacements : à la fin de l’année 2024, on estimait à 123,2 millions le nombre de personnes déplacées de force, ce qui représente une décennie d’augmentation continue du nombre de réfugié·e·s et d’autres personnes contraintes de fuir leur foyer. Plus de 60 millions de femmes et de filles déplacées de force et apatrides sont exposées à des risques élevés de violence basée sur le genre [3].
- Insécurité alimentaire : les conflits sont à l’origine de la faim dans la plupart des crises alimentaires à travers le monde : de Gaza au Soudan, du Yémen au Mali, ils poussent l’insécurité alimentaire et nutritionnelle à des niveaux historiques. En 2024, plus de 295 millions de personnes étaient confrontées à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë, et 47 % d’entre elles (139,8 millions) vivaient dans des zones de conflit ou d’insécurité. En 2024, 10,9 millions de femmes enceintes et allaitantes ont souffert de malnutrition aiguë dans 21 pays en situation de crise nutritionnelle ; un tiers d’entre elles se trouvaient en République démocratique du Congo, tandis que l’Afghanistan, l’Éthiopie, le Soudan du Sud et le Soudan en comptaient chacun plus d’un million.
- Attaques contre les infrastructures de santé : en 2024, 1 647 attaques contre des services de santé ont été signalées dans 16 pays et territoires en situation d’urgence humanitaire complexe, causant plus de 2 700 blessés ou décès. Les attaques contre des centres de santé en Haïti, au Mali, au Myanmar, au Soudan, en Ukraine et dans l’État de Palestine ont privé des millions de femmes de services vitaux, notamment de soins de santé sexuelle et procréative.
- L’éducation des filles prise pour cible : plus de 85 millions d’enfants touchés par la crise ne sont pas scolarisés, parmi lesquels 51,9 % sont des filles, dont 5 millions vivent au Soudan. Quatre ans après l’accession des talibans au pouvoir, 8 jeunes femmes afghanes sur 10 sont privées d’éducation et d’accès à l’emploi et à la formation.
- La voix des femmes dans les médias : un rapport publié en 2024 par CARE révèle que, bien que la couverture médiatique des conflits ait été multipliée par plus de six entre 2013 et 2023, seulement 5 % des articles parlent du vécu des femmes en temps de guerre et seulement 0,04 % d’entre eux mettent en évidence la contribution des femmes en tant que cheffes de file des processus de paix [4].
Le programme pour les femmes, la paix et la sécurité
Il y a vingt-cinq ans, une coalition déterminée de femmes, d’activistes pour la paix, de gouvernements et de représentantes des Nations Unies a ouvert une nouvelle voie pour les femmes et les filles, et le monde en général, au Conseil de sécurité des Nations Unies.
Les femmes dans les processus de paix
La participation des femmes aux processus de paix permet d’obtenir des résultats plus probants et durables. Pourtant, les femmes restent sous-représentées dans les négociations officielles.
- Des accords de paix plus solides avec les femmes : des études montrent que les accords de paix signés par des femmes ont un taux de mise en œuvre plus élevé et durent plus longtemps. Une évaluation récente des actions de consolidation de la paix dans les zones frontalières du Mali et du Niger, par exemple, a révélé que la participation des femmes à la prévention des conflits est passée de 5 à 25 % entre 2020 et 2022 et a contribué à résoudre plus de 100 conflits liés aux ressources naturelles locales [5].
- Le manque de femmes dans les processus de paix : malgré leur rôle essentiel, les femmes continuent d’être en grande partie exclues des processus de paix. Les données mondiales disponibles indiquent qu’en moyenne, les femmes ne représentaient que 7 % des négociateurs et 14 % des médiateurs dans les processus de paix officiels à travers le monde en 2024, et de nombreux pourparlers de paix se tiennent encore sans femme autour de la table [6]. La représentation des femmes parmi les signataires des accords de paix était comparativement plus élevée, puisqu’elle s’élevait à 20 %. Néanmoins, la proportion de femmes signataires tombe à 7 % si l’on exclut les accords passés en Colombie. Ces chiffres sont proches de ceux des ensembles de données antérieurs (1992-2019) [7] et restent bien en deçà de l’objectif minimum d’un tiers fixé par les Nations Unies ainsi que de l’objectif de parité dans la prise de décision recommandé par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [8].
- Processus dirigés, codirigés ou soutenus par les Nations Unies : en 2024, les Nations Unies ont dirigé ou codirigé quatre processus de paix actifs – les discussions internationales de Genève, deux processus relatifs à la Libye et un processus au Soudan. Deux femmes ont joué le rôle de médiatrices principales dans trois de ces processus. Dans tous les processus, des organisations de femmes de la société civile ont été consultées et une expertise a été apportée sur les questions de genre. Cette même année, les Nations Unies ont également soutenu deux processus de paix en Colombie ainsi que les efforts d’élaboration de la constitution au Soudan du Sud et en Somalie, tout en continuant à soutenir les comités consultatifs de femmes en Iraq et en Syrie. Toujours en 2024, les femmes représentaient en moyenne 18 % des négociateurs ou délégués dans les processus de paix et d’élaboration de la constitution menés, codirigés ou soutenus par les Nations Unies, ce qui marque une baisse par rapport aux 19 % enregistrés en 2023 et aux 23 % enregistrés en 2020 [9].
- Dispositions relatives au genre dans les accords de paix : le pourcentage d’accords de paix contenant des dispositions sur le genre progresse depuis les années 1990. Entre 1990 et 2000, seulement 12 % des accords de paix faisaient référence aux femmes. En 2024, 31 % des accords de paix et de cessez-le-feu mentionnaient les femmes, les filles ou le genre. Cependant, les accords comportant des dispositions sur le genre se limitent à seulement quatre processus dans trois pays : la Colombie, le Soudan du Sud et le Soudan. La plupart des références au genre se trouvent dans les récents processus de paix engagés entre le gouvernement colombien et les groupes armés, en grande partie grâce à la présence de femmes qui ont contribué dès le début à définir l’ordre du jour du processus de paix [10].
- Les femmes dans les processus de paix informels : une étude sur les efforts informels de paix publiée en 2020 a révélé que, dans les trois quarts des cas (27 sur 38), des groupes de femmes prenaient une part active dans les actions de consolidation de la paix au niveau local.
- Les femmes à la tête d’efforts de paix locaux : bien qu’elles soient exclues de la plupart des efforts de paix officiels, les femmes jouent un rôle essentiel dans les actions de consolidation de la paix au niveau local. Par exemple, les artisanes de la paix en Éthiopie, au Libéria et au Kenya ont influencé les processus et les accords de paix aux niveaux local, régional et national. Dans la région africaine des Grands Lacs, les Nations Unies, l’Union africaine et des organisations de femmes ont plaidé avec succès en faveur de l’inclusion de deux femmes médiatrices dans l’initiative de paix conjointe de la Communauté d’Afrique de l’Est et de la Communauté de développement d’Afrique australe. Au Yémen, des femmes ont négocié l’accès des civils à l’eau. Au Soudan, ONU Femmes a soutenu la mise en place d’une coalition de femmes artisanes de la paix et leurs efforts visant à élaborer un plan d’action pour la paix, ce qui a permis leur participation indirecte aux pourparlers de paix à Genève en 2024. En Côte d’Ivoire, les plateformes locales de femmes médiatrices ont désamorcé le conflit intercommunautaire dans la région de Cavally, ce qui a abouti à la signature d’un accord de paix local et à la désignation, pour la première fois, de femmes comme garantes de son suivi [11].
- L’exclusion des groupes de femmes des processus de paix : dans de nombreux processus de paix, ceux qui déclenchent les guerres sont invités à la table des négociations, tandis que les personnes en quête d’une paix véritable, comme les groupes de femmes, sont tenues à l’écart. En 2024, seuls les accords de paix conclus au Soudan du Sud comptaient des représentantes de groupes de femmes parmi les signataires.
- Sur les 113 plans d’action nationaux pour les femmes, la paix et la sécurité adoptés en juin 2025, seulement 55 % comprenaient des engagements explicites en faveur de la participation des femmes aux processus de paix, et 42 % s’engageaient spécifiquement à soutenir les femmes médiatrices [12].
- De nouvelles initiatives politiques ont été lancées afin d’accélérer les progrès dans la mise en œuvre des engagements en faveur de la participation des femmes aux processus de paix. Ainsi, la Déclaration commune pour la participation pleine, égale et significative des femmes aux processus de paix du Secrétaire général a été officiellement ouverte à la signature, lors du débat public du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité en octobre 2024. En septembre 2025, 37 signataires, parmi lesquels des États membres, des organisations internationales et régionales ainsi que d’autres acteurs de la médiation, ont signé cette déclaration, s’engageant ainsi à prendre des mesures concrètes pour promouvoir la participation des femmes à tous les processus de paix dans lesquels ils sont impliqués.
Le leadership des femmes dans les conflits et les crises
La Déclaration et le Programme d’action de Beijing de 1995 ont fixé un objectif mondial en faveur de la pleine et égale participation politique des hommes et des femmes. Cependant, trente ans plus tard, force est de constater que nous sommes encore loin de l’égalité des sexes en politique et que de nombreux pays touchés par un conflit sont à la traîne.
- Les femmes cheffes d’État : 2024 a été marquée par une série de « premières » historiques, notamment l’élection des premières femmes présidentes élues au suffrage direct au Mexique, en Namibie et en Macédoine du Nord. Pourtant, en juillet 2025, seuls 29 pays étaient dirigés par des femmes. En septembre de la même année, 102 pays n’avaient jamais eu de femme à la tête de l’État ou du gouvernement [13].
- Les femmes au Conseil de sécurité des Nations Unies : entre 2015 et 2024, seulement 23 % des représentants permanents des États membres représentés au Conseil de sécurité étaient des femmes. En 2024, sur les 15 membres du Conseil de sécurité, 5 (33 %) ont une femme comme représentante permanente.
- Les femmes dans le corps législatif : en 2025, 27 % des parlementaires nationaux dans le monde étaient des femmes. Ce chiffre tombe à seulement 20 % dans les pays touchés par un conflit [14].
- Les femmes au sein des gouvernements : en 2025, les femmes occupent 23 % des postes ministériels, contre 21 % dans les pays touchés par un conflit [15].
- Les femmes dans les collectivités locales : en 2024, les femmes occupaient 36 % des sièges d’élus au sein des collectivités locales. Ce chiffre tombe à seulement 18 % dans les pays touchés par un conflit [16].
- Des quotas en faveur de l’égalité des sexes : les Nations Unies continuent de promouvoir l’adoption de mesures temporaires spéciales, comme des quotas femmes-hommes, afin d’accélérer l’égalité des sexes en politique. Le projet des Nations Unies sur les quotas femmes-hommes fournit des informations sur les quotas en vigueur dans les parlements du monde entier. En 2025, dans les pays touchés par un conflit et qui appliquent des quotas femmes-hommes, 25 % des parlementaires étaient des femmes. Dans les pays sans quotas, les femmes ne représentent que 14 % des parlementaires [17].
Les femmes et la sécurité climatique
- Le changement climatique comme multiplicateur de menaces : le HCR estime que 90 millions de personnes déplacées de force vivent dans des pays fortement ou extrêmement exposés aux aléas climatiques, et près de la moitié d’entre elles subissent à la fois le poids des conflits et celui du changement climatique. Parmi ces pays figurent l’Éthiopie, Haïti, le Liban, le Myanmar, la République démocratique du Congo, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen. De plus en plus de travaux de recherche montrent comment la crise climatique amplifie les inégalités de genre et fait peser des risques et des menaces spécifiques sur les moyens de subsistance, la sûreté et la sécurité des femmes et des filles.
- Les conflits environnementaux impliquant des femmes : les femmes qui défendent l’environnement et le climat sont la cible de nombreuses attaques et d’actes de violence. En janvier 2022, on recensait au moins 3 545 conflits environnementaux dans le monde, dont 842 impliquaient des défenseuses de l’environnement au rang des leaders visibles. Dans 81 de ces conflits, des défenseuses de l’environnement ont été assassinées.
- La violence à l’égard de défenseuses de l’environnement : depuis 2012, plus de 2 200 défenseurs des droits fonciers et environnementaux ont été tués ou ont disparu. Un grand nombre de défenseuses de l’environnement ont été victimes de tactiques visant à les réduire au silence, notamment des menaces de mort, la mise sous surveillance, des violences sexuelles ou la criminalisation, ce qui souligne la nécessité de mettre en place une protection complète.
- Le changement climatique dans les politiques sur les femmes, la paix et la sécurité : les politiques relatives aux femmes, à la paix et à la sécurité prennent de plus en plus en compte le changement climatique. Le nombre de plans d’action nationaux faisant référence au climat est passé de 43 en 2023 à 53 en juin 2025 [18].
Les droits humains des femmes dans les conflits et les crises
Dans de nombreuses régions du monde, on constate une intensification des efforts pour réprimer l’égalité des sexes et porter atteinte aux droits des femmes, ce qui a des effets catastrophiques pour les femmes et les filles.
- Le recul des droits des femmes : au début de l’année 2025, les États membres ont fait état d’un recul des droits des femmes dans près d’un quart des pays engagés dans la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing. Cette régression se traduit par une discrimination croissante, une protection juridique affaiblie et une baisse du financement des politiques et programmes consacrés à la protection des femmes, y compris les soins de santé sexuelle et procréative non discriminatoires [19].
- L’augmentation des attaques menées contre les femmes leaders et les défenseuses des droits humains : les femmes leaders, les défenseuses des droits humains et les artisanes de la paix sont les cibles d’une vague de menaces et d’attaques. Entre mai 2024 et avril 2025, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a recensé 96 actes de représailles et d’intimidation commis contre au moins 39 femmes et filles accusées d’avoir coopéré avec les Nations Unies. En 2024, le HCDH a documenté les meurtres de 56 défenseuses des droits humains, journalistes et syndicalistes dans des pays touchés par des conflits, ce qui ne représente probablement qu’une fraction du nombre de cas réels [20].
- Les représailles contre des représentantes de la société civile : dans une enquête d’ONU Femmes menée auprès de 55 représentantes de la société civile qui avaient présenté un exposé au Conseil de sécurité en 2024, 7 des 25 personnes interrogées (28 %) ont indiqué avoir fait l’objet de représailles, notamment de campagnes de dénigrement, de cyberattaques et de perquisitions de leurs bureaux [21].
- Les femmes et les filles cibles de violences politiques : les données de 2024 montrent que les femmes et les filles ont été les principales cibles de plus de 3 000 actes de violence à travers le monde, dont près de 40 % ont eu lieu dans des pays touchés par des conflits [22].
- Les femmes bénéficient d’une protection insuffisante de la part des institutions de défense des droits humains : en 2024, sur les 30 pays et territoires touchés par des conflits pour lesquels on dispose de données, seuls 18 (60 %) étaient dotés d’institutions nationales de défense des droits humains pleinement ou partiellement conformes aux Principes de Paris, qui établissent les normes minimales de la protection et de la promotion des droits humains [23].
La violence basée sur le genre dans les conflits
La violence basée sur le genre continue de monter en flèche dans les zones de conflit et de crise, exposant les femmes et les filles à des situations de plus en plus périlleuses et mortelles.
- Les violences sexuelles liées aux conflits : en 2024, les Nations Unies ont vérifié plus de 4 600 cas de violences sexuelles liées aux conflits, soit une hausse alarmante de 87 % par rapport à 2022 [24].
- Les mariages d’enfants dans les zones de conflit : en 2024, 1 femme sur 5 âgée de 20 à 24 ans était mariée avant l’âge de 18 ans, ce qui reflète une légère baisse depuis 2014 (22 %). Les mariages d’enfants dans les pays touchés par un conflit sont 14 % plus fréquents que dans les pays non touchés par un conflit.
- La violence infligée par un partenaire intime : à l’échelle mondiale, 1 femme sur 8 âgée de 15 à 49 ans a été victime de violences sexuelles et/ou physiques de la part d’un partenaire intime. Dans les pays touchés par un conflit, cette proportion passe à 1 femme sur 7.
L’accès des femmes à la justice pendant et après les conflits
L’accès des femmes à la justice est crucial pour reconstruire les sociétés après un conflit et pour tenir les auteurs de violences basées sur le genre responsables de leurs actes. Pourtant, des obstacles majeurs continuent d’empêcher les femmes d’obtenir justice.
- Une représentation accrue des femmes dans le système judiciaire : en avril 2025, les femmes occupaient 44 % des postes dans 102 organismes internationaux et régionaux liés au droit international, contre 32,5 % en 2015.
- La justice pour les survivantes de violences sexuelles et basées sur le genre : depuis 2010, ONU Femmes a détaché plus de 200 spécialistes des questions de genre, pour mener des enquêtes, fournir des conseils juridiques ou une expertise médico-légale et apporter d’autres compétences, dans la quasi-totalité des enquêtes sur les droits humains mandatées par les Nations Unies. Ces efforts ont joué un rôle essentiel dans la documentation des violences sexuelles et basées sur le genre, en offrant aux survivantes davantage de chances d’accéder à la justice et en veillant à ce que ces crimes soient consignés dans les archives judiciaires.
- Le rôle des femmes dans la justice transitionnelle : la participation des femmes aux processus de justice transitionnelle est déterminante pour lutter contre les inégalités de genre. En 2024, les femmes représentaient 52 % (20 sur 38) des magistrats de la Juridiction spéciale pour la paix en Colombie, ce qui montre l’importance de la représentation des femmes dans les procédures judiciaires d’après conflit.
- Le renforcement de la justice et la participation des femmes : à l’occasion du bilan des 30 ans de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, 37 % des pays ont déclaré avoir renforcé les capacités institutionnelles de leur système judiciaire, y compris la justice transitionnelle, dans le cadre de la réponse aux conflits. Ces efforts comprennent des initiatives visant à accroître la participation des femmes dans le secteur de la justice et à former des professionnel·le·s tout au long de la chaîne judiciaire [25].
- Le recul de la participation des femmes à la justice : depuis la prise du pouvoir par les talibans en 2021, toutes les femmes juges en Afghanistan ont été démises de leurs fonctions, effaçant ainsi des décennies de progrès en matière de représentation des femmes dans le système judiciaire. En Haïti, aucune femme n’a été nommée au sein du nouveau Conseil supérieur de la magistrature en 2024 [26].
Les femmes dans le maintien de la paix et le secteur de la sécurité : progrès et défis
- Des initiatives telles que l’Initiative Elsie du Canada et le Fonds de l’Initiative Elsie pour la participation des femmes en uniforme aux opérations de paix, un fonds d’affectation spéciale des Nations Unies, contribuent à accroître la participation pleine, égale et significative des femmes aux actions de maintien de la paix. Fin 2024, la plupart des objectifs fixés par la Stratégie des Nations Unies pour la parité des sexes en uniforme (UGPS) 2018-2028 avaient été atteints, voire dépassés, sauf pour les contingents militaires et les officiers d’état-major [27]. Les femmes représentaient :
- 40 % du personnel judiciaire et pénitentiaire (objectif UGPS 30 %)
- 31 % des policiers (objectif UGPS 25 %)
- 23 % des experts militaires en mission et des officiers d’état-major (objectif UGPS 21 %)
- 17 % des unités de police constituées (objectif UGPS 14 %)
- 8 % des contingents militaires (objectif UGPS 11 %)
- Une étude menée dans 30 pays a révélé que la proportion de femmes dans les forces armées nationales était passée de 11 % en 2016 à 14 % en 2022.
Le genre et la prévention de l’extrémisme violent
- Le genre et le terrorisme : en 2015, le Conseil de sécurité des Nations Unies a reconnu le lien qui existe entre la problématique femmes-hommes et le terrorisme dans sa résolution 2242 et appelé à intégrer le programme pour les femmes, la paix et la sécurité dans les efforts de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.
- La violence sexuelle comme arme de guerre : les groupes terroristes, d’autres groupes armés et les réseaux criminels utilisent la violence sexuelle comme une tactique pour encourager le recrutement et prendre le contrôle de territoires et de ressources naturelles lucratives.
- L’utilisation abusive des lois antiterroristes : des lois et mesures antiterroristes continuent d’être régulièrement utilisées de manière abusive pour cibler les acteurs de la société civile, y compris les défenseuses et défenseurs des droits humains, en les qualifiant de terroristes et en les poursuivant pour des infractions liées au terrorisme dans le but d’entraver leur travail. Les organisations de défense des droits des femmes et les défenseuses des droits humains sont particulièrement visées par ces pratiques.
Désarmement, maîtrise des armements et dépenses militaires
- Des dépenses militaires record : en 2024, les dépenses militaires dans le monde ont atteint un nouveau record de 2 700 milliards de dollars, ce qui marque la plus forte augmentation annuelle depuis au moins la fin de la guerre froide. Cette hausse spectaculaire des dépenses militaires est en contradiction directe avec l’article 26 de la Charte des Nations Unies qui appelle à la paix et à la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum de ressources humaines et économiques. Elle est également contraire au Programme d’action de Beijing de 1995 (objectif stratégique E.2.), qui appelait à une réduction des dépenses militaires excessives et au contrôle de la disponibilité des armements.
- Dans l’examen et l’évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing (E/CN.6/2025/3), seuls 3 % des pays et territoires ont déclaré avoir pris des mesures pour réduire les dépenses militaires ou pour contrôler la disponibilité des armements. Seulement 1 % d’entre eux ont réaffecté des fonds initialement destinés aux dépenses militaires au financement des dépenses sociales et économiques, notamment en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes.
- Représentation accrue des femmes dans les forums pour le désarmement : il est essentiel de garantir la participation des femmes aux forums internationaux où sont débattues des questions cruciales, notamment les menaces liées aux armes nucléaires, la hausse des dépenses militaires, la prolifération des armes et des munitions et la militarisation des nouvelles technologies. La proportion de femmes impliquées dans la diplomatie du désarmement au sein de la Première Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies, par exemple, a augmenté régulièrement, passant de 15 à 38 % entre 2000 et 2024 [28]. En 79 ans, une seule femme a présidé la Première Commission, l’organe qui traite des questions de désarmement et de sécurité internationale.
- Intégrer le contrôle des armements et le désarmement dans les plans d’action nationaux : sur les 113 plans d’action nationaux pour les femmes, la paix et la sécurité adoptés en juin 2025, 38 (34 %) font référence au contrôle des armements, à la gestion des munitions et au désarmement dans leurs cadres de suivi [29].
- Les dimensions de genre de la violence armée : les femmes et les hommes sont touchés différemment par la prolifération et l’utilisation des armes et de la violence armée. Sur les 61 résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le désarmement et les questions relatives aux armes, 23 reconnaissent les dimensions de genre des armes ou appellent à la participation égale des femmes aux processus de désarmement, de non-prolifération et de maîtrise des armements [30].
- Les armes et les violences sexuelles dans les conflits : la disponibilité d’armes légères et de petit calibre dans les zones de conflit attise les violences sexuelles systématiques et généralisées. Des données des Nations Unies révèlent que 70 à 90 % des cas de violences sexuelles liées aux conflits impliquent l’utilisation d’armes.
- Le Traité sur le commerce des armes (TCA) et la violence basée sur le genre : le TCA est le premier accord international juridiquement contraignant qui reconnaît le lien entre le commerce international des armes et la violence basée sur le genre. En vertu de l’article 7, paragraphe 4 du traité, les États parties sont tenus de prendre en compte le risque que des armes « puissent servir à commettre des actes graves de violence fondée sur le sexe ou des actes graves de violence contre les femmes et les enfants, ou à en faciliter la commission » dans leurs évaluations d’exportation.
- Les rapports établis dans le cadre du Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects montrent que le nombre d’États qui intègrent les considérations liées au genre dans le contrôle national des armes n’a cessé d’augmenter au fil du temps (74 % des États ayant établi un rapport en 2024) [31].
Les politiques locales, nationales et régionales sur les femmes, la paix et la sécurité
- Les Plans d’action nationaux (PAN)sont de précieux outils qui permettent aux pays de mettre en œuvre les engagements mondiaux pris pour le programme pour les femmes, la paix et la sécurité dans le cadre de leurs politiques nationales. Ces plans indiquent le degré de priorité que les pays accordent au programme et précisent les modalités de gestion, de financement et de suivi des activités. Depuis le premier PAN sur les femmes, la paix et la sécurité adopté par le Danemark en 2005, le nombre de pays dotés de PAN est passé à 113 en juin 2025 [32].
- Allocation budgétaire : parmi ces PAN, seulement 29 (26 %) comprenaient un budget au moment de leur adoption.
- Suivi des progrès : parmi ces PAN, 90 (80 %) comprennent des cadres de suivi assortis d’indicateurs, qui sont essentiels pour suivre les progrès du gouvernement.
- Plans d’action régionaux : 13 organisations régionales et infrarégionales ont adopté des plans d’action ou des stratégiesen vue d’améliorer le suivi des résultats avec les pays membres.
- Plans d’action locaux : en 2025, au moins 13 pays ont élaboré et mis en œuvre des plans d’action locaux : Bosnie-Herzégovine, Colombie, Iraq, Kenya, Libéria, Mali, Nigéria, Ouganda, Philippines, République démocratique du Congo, Serbie, Somalie et Ukraine.
- Le Pacte sur les femmes, la paix, la sécurité et l’action humanitaire (FPS-HA) propose une voie à suivre aux États membres, aux entités des Nations Unies, aux organisations régionales, aux acteurs du secteur privé et à la société civile, y compris les organisations de femmes et de jeunes et les établissements d’enseignement, afin de favoriser les interventions autour de l’axe femmes, paix et sécurité et action humanitaire pendant la période 2021-2026. En 2025, le Pacte FPS-HA comptait 242 signataires et suivait plus de 1 180 actions en matière de plaidoyer, de financement, de politiques et de programmation dans plus de 150 pays et territoires.
- La politique étrangère féministe : en août 2025, 15 pays, dont l’Allemagne, l’Argentine, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie, l’Espagne, la France, le Libéria, la Libye, le Luxembourg, le Mexique, les Pays-Bas, la Slovénie et la Suède s’étaient engagés à appliquer un prisme féministe à leur politique étrangère, en promouvant l’égalité des sexes et les droits des femmes.
Des déficits critiques dans le financement des femmes, de la paix et de la sécurité
- L’aide bilatérale en faveur de l’égalité des sexes : les dernières données montrent que l’aide bilatérale apportée aux contextes présentant une fragilité élevée et extrême s’élevait en moyenne à 50 milliards de dollars par an en 2022-2023, soit une baisse par rapport aux 52,8 milliards de dollars de 2020-2021. Sur ce montant, 49 % (21 milliards de dollars) ont été affectés à l’appui à l’égalité des sexes, ce qui représente une hausse par rapport aux 44 % précédents. Toutefois, seulement 2,5 milliards de dollars (5 %) ont été consacrés à l’égalité des sexes en tant qu’objectif principal [33].
- Le Plan d’accélération de l’égalité des sexes à l’échelle du système des Nations Unies, lancé en 2024, vise à établir une norme selon laquelle 15 % des dépenses des Nations Unies doivent être affectées à l’égalité des sexes d’ici 2026, des plans étant en place pour atteindre cet objectif d’ici 2030. Ce plan recommande également que tous les nouveaux fonds d’affectation spéciale pluripartenaires fixent un objectif de 40 % pour les programmes d’égalité des sexes et mobilisent 300 millions de dollars destinés aux organisations de femmes opérant dans des situations de conflit et de crise.
Le financement des organisations de femmes en première ligne des conflits et des crises
- L’aide bilatérale apportée aux organisations féministes dirigées par des femmes dans des contextes de crise reste à un niveau extrêmement faible. En 2022-2023, seulement 0,4 % de cette aide (environ 186 millions de dollars par an) a été allouée à ces organisations, soit une nouvelle baisse par rapport aux 205 millions de dollars de 2020-2021 [34]. Cette proportion reste inférieure à l’allocation minimale de 1 % de l’APD recommandée par les Nations Unies.
- Les obstacles liés à l’allocation de fonds à des groupes de femmes : une étude récente sur les niveaux de financement versés à des organisations de femmes dans des situations de conflit et de crise a constaté une baisse pendant trois années consécutives :
- Les initiatives de financement sont souvent concentrées entre les mains d’une poignée de bailleurs de fonds et, dans certains cas, consistent en un simple reconditionnement d’allocations existantes et non en l’octroi de fonds nouveaux.
- Une part importante de l’aide est versée à des ONG internationales plutôt que directement à des organisations locales de femmes.
- Si les bailleurs de fonds connaissent bien l’objectif de financement minimum de 15 % en faveur de l’égalité des sexes, ils sont moins au fait de l’objectif de 1 % à consacrer spécifiquement à des organisations de femmes, proposé pour la première fois par le Secrétaire général des Nations Unies lors du 20e anniversaire de la résolution 1325 (2000) et réitéré dans le Nouvel Agenda pour la paix.
- Le changement d’orientation en matière d’aide humanitaire a réduit les ressources mises à la disposition d’organisations de femmes dans les contextes de conflit. Seulement 17 % de l’aide humanitaire cible l’égalité des sexes, contre 50 % dans le secteur de la paix et de la sécurité.
- Les engagements en faveur d’une hausse du financement des droits des femmes : en 2024, le Comité d’aide au développement de l’OCDE a adopté une Recommandation sur l’égalité des genres et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles dans le contexte de la coopération pour le développement et de l’aide humanitaire. Cette recommandation prévoit notamment l’augmentation des financements alloués aux organisations de défense des droits des femmes, aux organisations dirigées par des femmes, aux mouvements féministes et aux fonds de soutien aux femmes à l’échelon local, ainsi qu’aux partenaires publics pour promouvoir l’égalité des sexes.
Le Fonds d’affectation spéciale pluripartenaire pour le financement des femmes, de la paix et de la sécurité
- Le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix : on observe une baisse notable des contributions volontaires à un moment où les demandes de soutien aux actions de consolidation de la paix et de prévention augmentent. En 2024, le Fonds a approuvé l’octroi de 116 millions de dollars (contre 202 millions en 2023) pour soutenir des initiatives de consolidation de la paix dans 32 pays et territoires, dont 43 % (49,9 millions de dollars) ont été affectés à l’égalité des sexes, contre 95,8 millions (47,3 %) en 2023. L’utilisation par le Fonds du marqueur d’égalité des genres sert de modèle à d’autres fonds [35].
- Le Fonds des Nations Unies pour les femmes, la paix et l’action humanitaire (WPHF) : il s’agit de l’unique mécanisme de financement mondial dédié au soutien d’organisations de femmes locales et communautaires dans des situations de conflit et de crise. Depuis 2016, le WPHF a apporté son soutien à plus de 1 600 organisations de femmes locales dans 49 pays touchés par des crises. En outre, en août 2025, le WPHF avait mobilisé 123 millions de dollars de nouveaux financements pour les organisations de femmes locales confrontées à des crises de plus en plus complexes grâce à sa campagne mondiale Invest-In-Women, qui se poursuivra jusqu’à la fin de 2025.
- Le Fonds de l’Initiative Elsie pour la participation des femmes en uniforme aux opérations de paix : ce mécanisme de financement innovant vise à accroître la participation sûre, égale et significative des femmes en uniforme aux opérations de paix des Nations Unies. Depuis 2019, le FIE a mobilisé 52 millions de dollars et soutenu 24 institutions chargées de la sécurité dans 15 pays contributeurs de troupes et de forces de police afin de surmonter les obstacles qui empêchent la participation égale des femmes en uniforme aux opérations de paix.
- Les Fonds de financement commun pour les pays (CBPF) et le Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF) : en 2024, les CBPF ont alloué 935 millions de dollars (94 % du financement total) et le CERF 545 millions de dollars (74 % du financement total) à des projets qui ont contribué à faire progresser l’égalité des sexes dans toutes les tranches d’âge [36].
Les femmes, la paix et la sécurité au Conseil de sécurité des Nations Unies
- Depuis 2000, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté 10 résolutions qui constituent le fondement du programme pour les femmes, la paix et la sécurité : 1325 (2000), 1820 (2008), 1888 (2009), 1889 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013), 2122 (2013), 2242 (2015), 2467 (2019), et 2493 (2019).
- Renforcer l’attention accordée aux questions liées au genre dans les décisions du Conseil de sécurité : en 2024, plus de 60 % des décisions adoptées par le Conseil de sécurité comportaient des références au genre, soit près de cinquante points de pourcentage de plus qu’en 2000 [37].
- La voix des femmes au Conseil de sécurité : depuis que la première femme représentant la société civile a été invitée à intervenir au Conseil de sécurité en 2004, plus de 350 femmes de la société civile lui ont emboîté le pas. En 2024, la parité femmes-hommes était respectée parmi les 464 personnes invitées à s’exprimer devant le Conseil de sécurité en vertu de l’article 39. La représentation des femmes dans les groupes d’experts des comités des sanctions tend également vers la parité [38].
- Les sanctions pour violences sexuelles : un rapport de 2024 montre que sur 676 personnes et 193 entités qui font actuellement l’objet de sanctions adoptées par le Conseil de sécurité, seules 25 personnes et 2 entités ont été sanctionnées pour des violences sexuelles et d’autres violations, aucune ne faisant l’objet de sanctions exclusivement pour cette raison.